Pastiches et pellicules rayées : Tarantino réinvente le "grindhouse" des années 1970
ntre sa sortie aux Etats-Unis, le 6 avril 2007, et sa distribution en France, après son passage en compétition officielle au Festival de Cannes (Le Monde du 24 mai), Boulevard de la mort, le nouveau film de Quentin Tarantino, aura été allongé d'une trentaine de minutes. A l'origine, il faisait partie d'un double programme intitulé Grindhouse, un terme désignant les salles de cinéma populaires des années 1970, dont les séances étaient composées de deux longs métrages et d'une série de bandes-annonces et de publicités.
PASTICHES
L'autre film, Planet Terror, était réalisé par Robert Rodriguez. Et l'on pouvait voir trois bandes-annonces hilarantes pour des films imaginaires pastichant le type d'oeuvres présentées dans ce genre de séances et signées Robert Rodriguez (Machete), Rob Zombie (Werewolf Women of the SS que l'on peut traduire par Les Femmes loups-garous des SS) et Elie Roth (Thanksgiving).
Le projet poussait encore plus loin ce que Kill Bill affirmait déjà, la volonté de rendre hommage, tout en les pastichant, à des genres non nobles, de transformer en art un goût cinéphilique pour la partie "illégitime" d'un cinéma pas si lointain, de rappeler un apprentissage formé justement par la fréquentation des films de genre à petit budget, exploités dans des salles de cinéma bon marché, sinon en vidéo, et l'amour de ce que l'on désigne comme le cinéma d'exploitation. Boulevard de la mort semble donc à nouveau participer d'une sorte de néo-pop art cinématographique qui extrairait (avec talent) images et sensations de leur contexte, les légitimerait et les ferait entrer dans une sphère différente.
Que voyait-on dans les grindhouses des années 1970 ? Des films américains à petit budget comme les productions Roger Corman tournées aux Philippines ou les bandes érotiques d'un Joe Sarno. Mais aussi des films d'arts martiaux japonais ou de Hongkong, des films d'horreur gore italiens, tout un cinéma qui échappait aux salles de cinéma de première exclusivité et à l'esthétique des grands studios. Même si certains d'entre eux avaient initié certaines modes, comme la MGM qui lança, en 1971, Shaft, les nuits rouges de Harlem de Gordon Parks, celle de la Blaxploitation, les films d'action avec des héros noirs. Ou la Warner qui importa le film chinois de kung-fu La Main de fer, de Cheng Chang-ho, réalisé en 1972, ouvrant la porte aux innombrables productions asiatiques qui allaient envahir le marché.
Quelques références sont explicitement citées par les personnages dans Boulevard de la mort, essentiellement des films de poursuites automobiles : Vanishing Point de Richard Sarafian (1971) ou Larry le dingue, Mary la garce de John Hough (1974), deux titres qui ne relèvent pas directement du cinéma d'exploitation, mais qui en ont représenté une forme plus abstraite (Vanishing Point) ou un peu plus riche (Larry le dingue...). Mais Grindhouse, au-delà de simples pastiches, retransmettait aussi les déplorables conditions de projection de ces films en leur temps. On a donc ajouté de fausses rayures sur la pellicule, des sautes d'image dues aux collures, une émulsion endommagée, et fait comme si une bobine du film était manquante.
INCOMPRIS AUX ETATS-UNIS
Grindhouse fut une déception au box-office américain. Une telle initiative, faussement "revivaliste", fut visiblement incomprise par le public américain qui n'a sans doute guère la nostalgie des films rayés, à l'heure des restaurations parfaites en DVD, et surtout se soucie peu de réhabiliter cette part infâme du cinéma. Boulevard de la mort est donc une version allongée de Death Proof, désormais exploité séparément pour l'exportation. L'apparition d'une séquence entière (celle de la danse érotique) pourrait laisser croire qu'en traversant l'Atlantique, le film a retrouvé sa bobine manquante.
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